Trafic de drogue : l’État impuissant ?

Le 3 avril dernier, le président de Crim’HALT est intervenu sur le plateau BFM TV afin de parler de criminalité organisée, plus particulièrement du trafic de drogue à Marseille.

Président de l’association Crim’HALT, spécialiste sur la grande criminalité et auteur de La mafia De A à Z, il est invité pour discuter de la situation criminelle grandissante à Marseille, faisant toujours plus de victimes, aux côtés de Mélanie Vecchio, journaliste police-justice BFMTV, Christophe Rouget, commandant de police et secrétaire général du syndicat des cadres de sécurité intérieure (SCSI). Et Laurent Valdiguié, journaliste d’investigation au magazine Marianne.

Fabrice Rizzoli : L’arc méditerranée fait face à des problèmes de criminalité organisée historiquement, de par le flux de marchandise qui arrive par le port de Marseille, de par la proximité de l’Espagne qui est un véritable porte-avion de stupéfiants ; soit de la cocaïne produite en Amérique latine, soit du cannabis marocain.

En effet, pendant des années les criminels français du crime organisé étaient basés en Espagne. Et encore aujourd’hui, c’est là-bas que l’on va à la rencontre des cartels colombiens et mexicains afin de décider des quantités de cocaïne arrivant en Europe.

Pris entre l’Espagne, Marseille et Nice se trouve l’Italie, qui est également composée de mafias et de réseaux très puissants sur son territoire (nigériens, albanais, etc.) ; les drogues passent par l’Espagne, Marseille, puis l’Italie, en formant des alliances. Cette drogue ne reste pas toujours sur le pourtour méditerranéen : parfois elle est revendue plus loin. On est dans une géopolitique du commerce et la drogue en fait partie.

Dans son numéro du lundi 20 février dernier, le journal La Provence aborde le problème du crime organisé à Marseille. 

Selon la procureur de la République de Marseille, 50 % des dossiers de la comparution immédiate sont des dossiers de trafic de drogue, représentant 18% de l’activité du parquet de Marseille.

Bien que la police marseillaise semble plutôt bien fonctionner, l’Etat doit faire face à un réel système économique parallèle  selon Jacques Dallest, ancien procureur général de Marseille. Le trafic est donc de plus en plus dur à combattre quand le narcobanditisme, lui, touche de plus en plus les jeunes.

Fabrice Rizzoli : Parfois, certains jeunes appellent à l’aide après être rentrés dans ces réseaux, à cause de la torture et du kidnapping qui a lieu dans l’organisation. Par exemple, un petit du réseau marseillais qui a été accusé d’avoir contacté la police a été amputé d’une jambe. Ces scènes se multiplient : depuis 2-3 ans, tortures, balles dans la jambe et homicides sont des avertissements de routine auprès des jeunes isolés.

Pour lutter contre le trafic et promouvoir la sécurité à Marseille, le président de la République est à l’initiative  d’un plan « sécurité à Marseille » de 150 millions d’euros. Sont déployés plus de 300 policiers, 240 CRS, 21 enquêteurs de police judiciaires, mais aussi davantage de caméras de surveillance, la construction de nouveaux sites judiciaires afin de démanteler les réseaux de drogues. 

Et par rapport à la notion de complicité au crime lorsqu’on achète de la drogue ? 

Fabrice Rizzoli : D’une certaine manière, on est complice. Car l’État n’a pas organisé la vente contrôlée de produits stupéfiants comme ça existe déjà dans d’autres pays. Dans les pays où la drogue a déjà été légalisée, il n’y a aucun souhait de revenir en arrière. Citons le chef de police du Colorado qui était prohibitionniste, il  ne veut plus revenir en arrière. Même si ce système n’est pas non plus parfait, cela laisse plus de temps pour traiter les autres crimes, comme les violences conjugales, etc.

CRIM’ SOUS CRIC. Emission 16 : Cannabis, les enjeux de la légalisation

Au sein de la magistrature française, on manque de procureurs, de juge d’instruction, et de personnel autour de l’enquête. La politique sociale autour du trafic est également à prendre en compte. Marseille est une zone à forte inégalités sociales. La gestion publique a été compliquée. Il faut que les politiques prennent leur responsabilité sur la manière dont Marseille est géré.

Mais il y a une note d’espoir ; pour Marseille, il y a des biens confisqués qui sont revendus en France et mis à disposition d’association, grâce à la loi USBC de 2021. Par exemple, au mois de mai, une villa qui a été confisquée à un trafiquant de cocaïne ne sera pas vendue mais mise à disposition d’une association qui vient en aide aux victimes de la délinquance par l’agence de gestion des biens (l’AGRASC). Il faudrait généraliser ce phénomène et mettre plus de biens à disposition des citoyens à Marseille. 

Dans son numéro du mardi 14 mars dernier, le journal La Provence aborde la loi de l’Usage Social des Biens Confisqués, chiffré selon l’AGRASC. 

« Les membres de Crim’HALT ont bien l’intention de continuer à militer pour que la loi soit décadenassée et que la législation française se rapproche encore davantage de celle de l’Italie » (Source : Slate). 

« Il y a quelque chose que nous n’avons pas obtenu en 2021, c’est que les biens soient confiés aux collectivités territoriales. Ce sont elles qui connaissent mieux le tissu associatif sur le terrain et les besoins. Il faut décentraliser, mais en gardant toujours des garde-fous. En se méfiant du clientélisme par exemple », estime Fabrice Rizzoli.

Ressources :


CRIM’ SOUS CRIC. Emission 7 : « Fusillades : une France kalash mécanique ? Enquête sur l’évolution d’un phénomène sans sources… »


L’USAGE SOCIAL DES BIENS CONFISQUÉS EN FRANCE. ON Y EST !


CRIM’ SOUS CRIC. Emission 10 « L’usage social des biens confisqués : et si la villa du gangster français accueillait une entreprise d’insertion ? »


CRIM’ SOUS CRIC. Emission 8 : « Pourquoi faut-il un délit d’association mafieuse en France ? »

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