Borgo : les liaisons dangereuses

En Corse, les liaisons sont nombreuses et bien souvent dangereuses. Borgo, le dernier film français réalisé par Stéphane Demoustier, relate intelligemment les défis que rencontre l’Île de beauté en termes de justice. Sorti en 2024, le long métrage est inspiré du double assassinat qui a eu lieu à l’aéroport de Bastia en 2017. Il explore les rouages de la corruption et les liens parfois troubles entre le monde carcéral et la société civile.

La Corse vue du film de Stéphane Demoustier

Dans le film Borgo, Melissa, 32 ans, est une surveillante pénitentiaire qui s’installe en Corse avec son mari et ses deux enfants, à la recherche d’un nouveau départ. Elle intègre les équipes de la prison de Borgo, un centre pénitentiaire aux codes particuliers : “les prisonniers surveillent les gardiens”.

Son intégration est facilitée par Saveriu, un détenu influent qui la prend sous sa protection. Mais une fois libéré, Saveriu reprend contact avec Melissa pour lui demander un service. Elle se retrouve alors prise dans une mécanique dangereuse où loyauté et corruption s’entremêlent.

Melissa se confronte aux réalités et aux codes de la société corse. Face aux pressions de Saveriu et à la complexité du milieu carcéral, Melissa est amenée à questionner ses propres valeurs et à faire des choix difficiles.

La réalisation de Stéphane Demoustier est intéressante, explorant les zones d’ombre de la moralité. Mais aussi pour sa façon de dépeindre la beauté et la rudesse de la Corse. 

L’actualité rattrape la fiction

Le film a choisi sa sa date de sortie, puisque s’ouvre en même temps le procès de la vendetta de Bastia-Poretta, lors duquel une surveillante pénitanciaire est accusée d’avoir désigné la victime. Le 5 décembre 2017, un commando armé avait ouvert le feu sur le parking de l’aéroport de Bastia-Poretta, tuant Antoine Quilichini d’une balle dans la tête et blessant grièvement Jean-Luc Codaccioni, décédé à l’hôpital le 12 décembre suivant. Codaccioni, en permission de sortie de prison, devait être accueilli par Quilichini à son arrivée.

Dix-sept personnes ont été renvoyées devant la Cour d’Assises des Bouches-du-Rhône, notamment Christophe et Richard Guazzelli, fils de Francis Guazzelli, membre fondateur du gang de la « Brise de Mer », et Cathy Sénéchal, la surveillante pénitentiaire, accusée d’avoir désigné les cibles au tueur. Antoine Quilichini, alias « Tony le Boucher », né en août 1968 à Bastia, était un ancien employé de la “Société Méditerranéenne de Sécurité” d’Antoine Nivagionni. Connu pour des délits antérieurs, il avait été condamné pour association de malfaiteurs en vue d’un assassinat en 2016. Jean-Luc Codaccioni, né en avril 1963 à Ajaccio, avait un passé militant nationaliste et avait été condamné pour plusieurs crimes, dont une tentative de meurtre en 1995. Il avait également été condamné pour association de malfaiteurs en vue de commettre un assassinat en 2016.

Lors de l’avant-première, le 6 octobre 2023, à Bastia, le théâtre de Bastia a été évacué pendant plus d’une heure suite à une alerte à la bombe, juste avant la projection en avant-première du film. Bien que les services de police n’aient pas établi de lien direct entre l’alerte et la projection du film, sa sortie prévue avant le procès devant la Cour d’Assises des Bouches-du-Rhône a suscité une polémique en Corse. 

Comment la pression corruptive est-elle un frein pour la justice ? 

La pression corruptive désigne l’ensemble des actes visant à obtenir un avantage illégitime en influençant le comportement d’une personne qui occupe une fonction publique ou exerce une mission de service public. Elle peut se manifester de différentes manières.

En Corse, la pression corruptive est une réalité souvent évoquée, notamment dans le cadre des affaires liées au crime organisé et au trafic de drogue. Elle touche les marchés publics, l’urbanisme, la justice, etc. Elle érode la confiance dans les institutions et alimente la criminalité organisée. 

Les autorités françaises et corses renforcent le cadre juridique, créent des instances spécialisées et mènent des campagnes de sensibilisation. Cependant, la lutte contre la corruption reste un défi majeur, nécessitant une poursuite des efforts de sensibilisation, de renforcement des capacités d’investigation et de sévérité dans les sanctions.

Ressources :

CRIM’ SOUS CRIC. Emission 1 : « Sursaut citoyen contre le crime organisé en Corse »

Corse : le très bon sujet de Canal+

Femmes hors-la-loi: Le banditisme au féminin

Mafia Corse – Une île sous influence

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